Des employés de Riot Games en grève

Scène inédite cette nuit chez Riot Games, où près de 200 employés se sont mis en grève pour protester contre la gestion de l'entreprise au sujet du sexisme et des accusations de viol.

Scène rare dans l'industrie du jeu-vidéo. Huit mois après la révélation par Kotaku des problèmes de sexisme et de harcèlement au sein de Riot Games, près de deux cents employés de l'entreprise américaine ont fait grève hier. Ils protestent contre la gestion des affaires révélées ces derniers mois, et particulièrement la décision par l'éditeur de League of Legends de forcer un arbitrage privé pour les plaintes de ses employés.

Depuis la révélation de l'enquête de Kotaku, 5 employés ou ex-employés de Riot ont attaqué l'entreprise en justice au sujet du sexisme ambiant. Face à ces procédures, Riot a déposé il y a quelques jours des requêtes pour obliger les plaignantes à cesser leur action en justice en faveur d'un arbitrage privé. Ces requêtes étaient motivées par le fait que les employés de Riot avaient renoncé à leur droit de poursuivre la société en cas de litige via une clause dans leur contrat.

Passer par un arbitrage privé permet d'éviter l'ingérence de la justice, des frais pouvant s'accumuler et surtout de protéger l'image de l'entreprise. Cette pratique est relativement répandue dans l'industrie, même si des grands groupes comme Google ou Uber ont annoncé arrêter de passer par des arbitrages privés pour les affaires de harcèlement.

Le 3 mai dernier, Riot annonçait la fin des arbitrages pour les nouveaux embauchés, autorisant ses employés à emmener en justice toute affaire de harcèlement. Seulement, cette décision ne concerne pas les salariés actuels de l'entreprise, ni ceux ayant quitté depuis le groupe. Un choix qui ne passe pas auprès des Rioters, dont près de 200 d'entre-eux ont décidé hier de se mettre en grève pour protester contre cette décision. Si le nombre peut paraître minime, il représente tout de même près de 10% des effectifs, dans un milieu où ce genre d'action est extrêmement rare.

Riot Games Harcelement Greve Sexisme

Des salariés de Riot Games protestant contre les arbitrages privés dans les cas de harcèlement et de sexisme (Photo Emily Rand)

Les salariés souhaitent que l'entreprise mette tout simplement fin à l'arbitrage privé dans les cas de harcèlement, pour ses employés passés et futurs. Ils souhaitent également voir une réelle amélioration dans la lutte contre l'ambiance et la culture sexiste de Riot. Celle-ci a été annoncée il y a plusieurs mois en réponse à l'enquête de Kotaku, mais depuis beaucoup ont le sentiment que rien ne se passe et que certaines personnes sont protégées par l'entreprise.

« Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai pas vu la moindre trace de notre diversité et de nos efforts d'inclusion chez Riot. Je n'ai pas vu le moindre signe ou chiffre indiquant que la situation s'était améliorée, et je n'ai pas vu le moindre projet aboutir » déclarait une des salariées de l'entreprise participant à la grève.

Si Riot a annoncé qu'aucune sanction ne serait infligée par le management aux grévistes, beaucoup craignent néanmoins des conséquences à leurs actions et se sont déjà préparés à des représailles. Les grévistes ont fixé un ultimatum à Riot Games, demandant la fin de tous les arbitrages privés avant le 16 mai, sous peine de nouvelles actions. Le management n'a pas encore communiqué sur la question.

Beaucoup des participants à la grève restaient néanmoins optimistes quant à la résolution du conflit, ainsi qu'à l'impact de celui-ci sur l'industrie. Ils espèrent montrer aux autres travailleurs dans le jeu vidéo qu'il est possible de se battre pour ses droits, et de rendre ses conditions de travail acceptables. Chaque mois, de nouveaux rapports de crunch - des périodes surchargées de travail pour rester dans les délais, pouvant aller jusqu'à 70 ou 100 heures par semaine - apparaissent dans les studios. Le dernier en date faisait état de conditions déplorables et de culture de la peur chez Epic Games dans le cadre du développement de Fortnite.