LoL : Rencontre avec Djoko, jungler de Team-LDLC en LFL

Pour cette interview, nous avons décidé de rencontrer Djoko, ancien joueur LCS EU, dorénavant jungler chez Team-LDLC, et qui, avec son équipe, demeure actuellement toujours invaincu de cette LFL. Connu également pour ses tweets taquins envers ses rivaux, il agace ou amuse, et prend à coeur de faire bouger la scène française, encore trop sage. Pour Breakflip, il a accepté de revenir sur son parcours et ses attentes pour l’avenir.

Millenium, Vitality, Giants et enfin Team-LDLC... Qui de mieux pour nous parler d’esport que Djoko, celui qui a vu ce monde évoluer au fil des années et des structures ? C’est d’ailleurs sûrement l’une des personnalités les plus expérimentées de LFL, et, chaque semaine, il met un point d’honneur à prouver que sa participation aux LCS EU n’était pas due au hasard et que son niveau est bien supérieur à celui des autres joueurs. Cependant, bien qu’il triomphe actuellement dans le classement de la ligue française, on ne peut que penser à une relégation lorsque l’on observe son parcours.

Alors, comment est-ce qu’on vit un changement pareil ? « C’est la LEC qui domine en Europe, ne pas y être c’est forcément une déception ». Un mal pour un bien finalement, puisqu’il admet de lui même que cet échec lui a permis de se remettre en question, acceptant le fait qu’il lui restait encore de nombreux points sur lesquels travailler.

« Je me rends compte que je n’avais pas forcément le mental pour les LCS, je n’étais pas assez confiant dans mes choix. J’essaye aujourd’hui d’avoir un mental d’acier, d’être à fond dedans et de ne plus être impacté par mes sentiments. »

Une pause loin des LCS bienvenue

Néanmoins, ce qu’il voyait au départ comme une perte de temps s’est finalement révélé être une bonne surprise, notamment grâce aux moyens mis en place par Riot et Webedia pour rendre la compétition française aussi professionnelle que sa grande soeur européenne. Un mauvais coup du sort qui se transforme donc en une expérience bénéfique, et qui lui offre la possibilité d’être encore dans un circuit compétitif, bien que son objectif final demeure toujours le même, la LFL n’étant qu’un tremplin : « Je me dis que l’année prochaine, c’est l’année où je vais être a à mon pic. Des joueurs pros m’avaient dit qu’il fallait au moins une ou deux années pour être prêt à relever tous les défis du quotidien des LCS sans que cela ne t’impacte plus autant, aujourd’hui je comprends mieux les vétérans qui m’ont dit ça ». Ainsi, même s’il admet facilement que le retour en France lui a fait énormément de bien, surtout au niveau de la réduction du stress, c’est à Berlin qu’il se voit en 2020, notamment à cause de l’absence de challenge qui le frustre de plus en plus.

« Le compétiteur qui est en moi ne veut pas rester ici. J’utilise cette année pour construire quelque chose de solide, être plus fort psychologiquement, mais pour ma santé mentale, il faut que je retourne là bas. »

En effet, alors que de nombreuses personnes se raviraient d’aussi belles performances, Djoko a pris le parti de ne pas s’en satisfaire et de viser toujours plus haut. Une ambition freinée par le système de franchise qui régit désormais la LEC, anciennement LCS EU, et qui interdit aux nouvelles équipes de venir bousculer celles au bas du classement : « En ce moment, on gagne tout, mais on est coincés parce qu’on n’a pas ce match barrage qui nous permettrait d’aller en LEC. En Corée, il y a des teams qui sortent de nulle part, qui arrivent aux Challengers Korea, qui gagnent les LCK et qui finalement vont aux World. Le nouveau système en Europe empêche ce genre d’histoires là ».

Djoko : « Je ne sais pas ce que je serais devenu sans League of Legends. »

Après quatre semaines de compétition, Team-LDLC est encore invaincue en LFL. (Crédits : LFL)

En fait, s’il se voit déjà retourner en LEC, c’est surtout parce qu’il pense qu’en France, tout est en réalité joué d'avance, et l’objectif est même donné : ne perdre aucune parties, que ce soit durant ce split ou le prochain. Quant aux European Masters, qui mettent en compétition les meilleures équipes de chaque pays, c’est également avec confiance qu’il les appréhende : « C’est déjà plus ou moins win, on a scrim contre les meilleures équipes d’Allemagne, d’Espagne et autres et on les gagne ». Alors, arrogance ou réalisme ? Seul le temps nous le dira.

Un expert des tweets assassins

En attendant, c’est également sur les réseaux sociaux qu’il aime se faire remarquer. Se comparant, non sans autodérision, au « Punisher » de Marvel, il prend un malin plaisir sur Twitter à provoquer ceux qui ont tendance « à trop l’ouvrir » et qui criaient partout qu’ils allaient tout gagner. Ainsi, il vise aussi bien des structures, comme Misfits Academy ou Vitality.Bee, tout comme certains joueurs, comme TraYtoN, qui ont selon lui fait preuve de beaucoup trop de confiance dans certaines de leurs déclarations publiques.

Cependant, il se refuse à faire « du flame pour du flame » et se focalise uniquement sur ceux qui accordent une trop grande importance à cette application, profitant alors de cette faille pour les « finir » après une défaite qui les a déjà affaiblis mentalement. Quant au potentiel retour de flamme en cas de mauvaises performances, il ne s’en préoccupe que très peu, considérant ce genre de pratique comme une part entière du spectacle. Rien de méchant ou de personnel donc de son côté, son seul souhait étant de créer le divertissement et de faire le show.

« La plupart des gens dans ce milieu sont très lisses et quand tu vois leurs interviews, leurs façons de faire, t’as juste envie de leur dire “sortez, vivez, allez voir le soleil, amusez-vous, au moins ça crée du contenu !" »

Ainsi, même s’il supprime parfois de lui-même certains tweets qui vont trop loin et qui ont été écrits sous le coup de l’impulsion, il ne semble pas pour le moment avoir en tête de s’arrêter, citant par exemple Néon de Misfits Academy qui lui lance en ce moment des pics agressifs sur le réseau social. En effet, il voit dans ses messages, parfois salés, une manière de motiver les équipes adverses qui auront envie de tout donner pour le battre : « Quand je suis arrivé pour la première fois en LFL, j’ai regardé les autres équipes jouer et, sur toutes les games, ils tournaient en rond, ça m’a fait mal au cerveau. À ce moment-là je me suis dit “il faut que je les challenge pour qu’ils tryhardent, sinon gagner en 20-0 ça n’a aucun intérêt ».

Djoko : « Je ne sais pas ce que je serais devenu sans League of Legends. »

Déjà lors de son passage en LCS EU chez Giants Gaming, Djoko était réputé pour son agressivité, tant en jeu qu'en dehors de la faille. (Crédits : Lolesports)

En effet, pour le moment, seul le match contre Vitality.Bee semble l’avoir quelque peu secoué, Djoko étant même reconnaissant d’avoir enfin été sanctionné pour certaines de ses erreurs : « Il n’y a que Vitality qui est arrivé pour le moment à exploiter les fails que l’on fait, ces erreurs de gestions et de snowball, j’étais content d’être puni pour la première fois. C’était un peu un “wake-up call” avant la Lyon e-Sport ». Un sentiment d’impunité pendant cette LFL qui a ainsi tendance à ennuyer le jungler de Team-LDLC qui aimerait avoir plus de défis, se sentant à l’heure actuelle peu stimulé par cette compétition française et qui espère plus de challenge pour son retour en lan.

« On pourrait être encore meilleur que ça, quand tu sais ce que tu vaux et que tu gagnes contre tout le monde en ne jouant qu’à 30 %, être à 100 % c’est même pas rigolo »

D’ailleurs, ce retour en lan aura un goût particulier pour Djoko  puisqu’il confie que ce sera le premier tournoi auquel son frère et son père viendront l’encourager. En effet, décider de faire carrière dans les jeux vidéo peut être effrayant pour certains parents, surtout quand l’enfant semble encore immature : « Il n’adhérait pas trop aux jeux vidéo, c’est mon frère qui m’a un peu sauvé. En même temps je le méritais, j’étais vraiment le gamin que personne ne voulait avoir, je sortais, je me faisais virer de mes écoles, bref je ne sais pas ce que je serais devenu sans League of Legends ». Une fierté donc pour celui qui aujourd’hui possède un palmarès solide dans le milieu et qui évolue désormais dans un cadre stable depuis déjà plusieurs années.

Un avenir sur League of Legends ?

Mais finalement, est-ce qu’on ne se lasse pas du jeu au bout d’un certain temps ? Un peu, si l’on en croit le joueur français, surtout depuis l’arrivée fracassante de Fortnite et plus récemment d’Apex qui lui donnent envie de retourner à ses premiers amours: « League of Legends ça a été mon premier MOBA, mais moi à la base, je suis un joueur de FPS, j’ai commencé sur Counter Strike et Call of Duty ». Une désir cependant rapidement freinée par le manque de temps qui l’empêche de se créer une communauté qui serait prête à le suivre sur ces jeux-là. Ainsi, pour le moment, bien que la soloQ le « trigger » et que seul le jeu en équipe lui permet de réellement s'épanouir, il semblerait que ce soit bien sur le jeu de Riot Games que Djoko se projette de continuer sa carrière à moyen terme.

C’est donc accompagné de Steeelback qu’il se voit poursuivre son chemin dans ce milieu, satisfait d’avoir trouvé quelqu’un avec qui il s’entend aussi bien en jeu que dans la vraie vie : « Il y a peu de personnes qui t’aident et qui te tirent vers le haut, surtout dans ce milieu. Lui et moi on a un duo qui marche vraiment bien, on essaye de construire quelque chose de solide et d’imposer notre truc ». Un duo qui a ainsi l'air désormais inséparable, et que l’on devrait retrouver intact l’année prochaine, qu’importe la compétition.

« Quand je vois la différence entre les supports européens et coréens, c’est le jour et la nuit. La plupart sont rusty, il n’y a que Steelback qui a vraiment un impact significatif, il fait des rotations, il shotcall, et vu qu’il a l’expérience d’un ADC, il fait la différence. »

C’est d’ailleurs en compagnie de son support qu’il a passé ses dernières vacances, qu'il attendait depuis un long moment. En effet, pas facile d’avoir 21 ans et d’évoluer dans un milieu qui demande autant de rigueur et de sacrifices pour être performant. Ainsi, les soirées étudiantes sont ici remplacées par des heures de soloQ, et à cet âge-là, l’impression de ne pas profiter de sa jeunesse est présente. Alors que, de l’extérieur, on peut penser que la phase de mercato est le moment idéal pour se reposer, Djoko explique : « Pendant cette période, t’as 4 ou 5 mois où tu cherches à avoir une team. Tu fais 20 milliards d’appels par jour, tout le monde te ment, tes conversations ne servent à rien. C’est extrêmement stressant, tu attends des réponses, tu te fais tempo, et quand tu arrives enfin aux LCS, t’as déjà la tête remplie de mauvaises choses ».

Djoko : « Je ne sais pas ce que je serais devenu sans League of Legends. »

Il est très difficile de séparer Djoko et Steeelback, même lors de leur interview pour Breakflip. (Crédits : LFL)

C’est finalement à Montpellier, après avoir tout réglé avec Team-LDLC, qu’il peut enfin se détendre pleinement et vivre certaines expériences banales qui sont inédites pour lui. « C’était une ville étudiante, j’ai récupéré ma jeunesse, j’ai fait des soirées étudiantes, j’ai profité. Je n’avais jamais fait de nuits blanches, je me fondais dans la masse ». Une courte pause donc avant le retour des entraînements et des matchs.

À quoi s’attendre pour la suite ? Bien qu’à court terme, l’objectif ultime demeure celui de revenir en LEC, sur le long terme, le jungler est bien plus hésitant. Alors qu’il se serait bien vu devenir streamer, il regrette de ne pas avoir travaillé sur ces réseaux sociaux plus tôt et mets donc de côté l’idée de se reconvertir ainsi. Finalement, une seule chose est sûre, devoir travailler enfermé dans un bureau avec un patron sur le dos n’est pas pour lui, et, contre toute attente, continuer d'évoluer dans le milieu e-sportif ne semble pas spécialement être une priorité. Cependant, pour le moment, c’est bien en LFL qu’il se trouve, avec comme objectif de ne perdre aucune partie, que ce soit durant ce split, ou le prochain. Il ne reste ainsi plus qu'à voir s'il arrive à tenir ses engagements et si, lui et son équipe, seront toujours aussi soudés dans les mois à venir.
 

Interview réalisée et écrite par FizRiwer

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